Saturday, October 22, 2011

La Mort



La mort finit toute la gloire de l'homme qui a oublié Dieu pen dant sa vie; elle lui ravit tout, elle le dépouille de tout, elle l'anéanit dans tout ce qu'il était de grand aux yeux des hommes; elle le laisse seul, sans force, sans appui, sans ressource, entre les mains d'un Dieu terrible. Ce nombre d'amis, de flatteurs, d'esclaves, de sujets, au milieu desquels il se croyait immortel, ne peuvent plus rien pour lui: semblables à ceux qui voient périr de loin un hoome au milieu des flots, ils peuvent tout au plus accorder des larmes àson malheur, ou faire des vœux inutiles pour sa déliverance. Ainsi, seul aux prises avec la mort, il tend en vain les mains à toutes les créatures qui lui échappent. Le passé ne lui pa rait plus qu'un instant fugitif, qui n'a fait que briller et disparaitre; l'avenir est un abime immense où il ne voit ni fin, ni issue, et où il va se perdre et s'engloutir pour toujours, incertain de sa destinée. Le monde, qu'il croyait éternel, n'est plus qu'un fantôme qui se dissipe; l'eternité, qu'il regardait comme une chimère, est un objet affreux qu'il a sous les yeux, et qu'il toucher déjà de ses mains. Tout ce qu'il avait cru réel et soldie s'évanouit: tout ce qui lui avait paru frivole et chimérique se montre et se réalise; et son malheur lui donne de nouvelles lumières, mais ne lui donne pas de nouveaux penchants et un noveau cœur: il meurt détrompé, sans mourir changé; il meurt déespérè, et ne meurt pas pénitent.

Mais l'âme juste, ah! elle voit alors le monde et l'éternité des mêmes yeux qu'elle les avait toujours vus: rien ne change, rien ne finit pour elle dans ce dernier moment, que se humiliations et ses souffrances. Ainsi, libre de tous les attachements du monde et de la vanité, pleine de bonens œvres, soutenue de la foi des promesses, mùre pour le ciel, elle ferme les yeux sans regret à tous les vains objets qu'elle n'avait jamais vus qu'avec peine; elle s'envole dans le sein de Dieu, d'où elle était sortie, et où elle avait toujours habité par ses désirs, et rentre avec paix et avec confiance dans la bienheureuse éternité.

Extrait de "Sermons et morceaux choisis de Massillon"